Pôle Restructuring – Procédure collective : Prévention des difficultés – La procédure de conciliation
La procédure de conciliation est l’une des deux procédures amiables en droit des entreprises en difficultés. Cette procédure est importante car elle permet un sauvetage rapide et confidentiel de l’entreprise en anticipant le risque de cessation des paiements. C’est pourquoi il nous semble intéressant de vous présenter la fiche pratique suivante :
La procédure de conciliation a été introduite par la loi du 26 juillet 2005 en vue de remplacer le dispositif de règlement amiable (mis en place par la loi du 1er mars 1984 et réformée par la loi du 10 juin 1994) ayant montré son manque d’efficacité. Elle est désormais régie par les articles L. 611-4 à L. 611-16 C. Com. et R. 611-22 à R. 611-50 C. Com.
L’ouverture de la procédure de conciliation
1. Conception initiale
En vertu de l’art. L. 611-4 C. Com., la procédure de conciliation est applicable aux personnes qui « éprouvent une difficulté, économique ou financière, avérée ou prévisible ET ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours » (deux conditions cumulatives). Peu importe la nature des difficultés seul compte qu’elles risquent de compromettre la continuité de l’exploitation.
- En vertu de l’art. L. 611-5 C. Com, cette procédure est ouverte à toutes les personnes exerçant une activité professionnelle sauf les agriculteurs qui bénéficient d’une procédure de règlement amiable spécifique au sein du Code Rural (art. L.351-1 et suivants Code rural).
C’est-à-dire que toute personne morale de droit privé et toute personne physique exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou indépendante peut solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation.
La décision d’ouverture appartient au président du Tribunal de Commerce pour les commerçants et artisans ou du Tribunal Judiciaire pour toute autre personne de droit privée. Le tribunal dispose du même pouvoir d’investigation que dans le cadre de la procédure d’alerte.
2. La procédure
En vertu de l’art. L. 611-6 C.Com, seul le débiteur peut demander, par une requête motivée et documentée, l’ouverture d’une procédure de conciliation. Cette requête, exposant sa situation économique, sociale et financière, ses besoins de financement, est adressée ou remise au président du tribunal avec un certain nombre de pièces énumérées à l’art. R. 611-22 C. Com, qui peut interroger les établissements bancaires et financiers voire désigné un expert pour établir un rapport sur la situation précise de l’entreprise.
Au vue de ces éléments, le président du tribunal peut :
- Soit rejeter la demande car il estime que la procédure de conciliation est inopportune ou qu’il convient, au vue de la situation économique de l’entreprise, d’ouvrir une procédure judiciaire.
- Soit ouvrir la procédure de conciliation et désigne dans son ordonnance un conciliateur, qui peut être celui proposé par le débiteur lui-même, pour une période n’excédant pas 4 mois. Le conciliateur sera avisé par le tribunal. La mission du conciliateur et la procédure elle-même prennent fin de plein droit à l’expiration de la période de conciliation.
La décision ouvrant la procédure est exécutoire de plein droit et n’est susceptible que d’un appel et d’un pourvoi en cassation de la part du ministère public (Art. L611-6, al 3).
Il est possible qu’un même débiteur est recours plusieurs fois à une procédure de conciliation. Néanmoins, l’ordonnance de 2008 a imposé un délai de carence de 3 mois entre l’ouverture de deux procédures de conciliation (Art. L611-6 C.Com).
Le rôle d’encadrement du conciliateur dans la négociation entre le débiteur et ses créanciers
1. La nomination du conciliateur
La conciliateur peut être librement choisi par le tribunal parmi les personnes estimées qualifiées, indépendamment de tout diplôme ou inscription sur une liste particulière. Néanmoins, le législateur a énuméré certaines incompatibilités au sein de l’art. L. 611-13 C.Com, al. 1 et 2. Ainsi, ne peuvent être désigné comme conciliateur :
- Une personne qui a « perçu, au cours des 24 mois précédents, à quelque titre que ce soit directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui, sauf s’il s’agit d’une rémunération au titre d’un mandat ad hoc ou d’une mission de règlement amiable ou de conciliation réalisée pour le même débiteur ou le même créancier» ;
- Un juge consulaire, en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de 5 ans.
De plus, en vertu de l’art. R. 611 -27 C.Com, le débiteur peut demander la récusation du conciliateur s’il :
- A directement ou indirectement un intérêt personnel à la procédure ;
- Existe un lien direct ou indirect, quelle qu’en soit la nature, entre le conciliateur et l’un des créanciers ou l’un des dirigeants ou préposés de celui-ci ;
- Existe une cause de défiance entre le conciliateur et le débiteur ;
- Est dans l’une des situations d’incompatibilité visées à l’art. L.611-13 C.Com ;
- A été définitivement radié ou destitué d’une profession réglementée.
La désignation du conciliateur est prévue pour une durée de 4 mois maximum sauf prolongation d’un mois sur demande du conciliateur. Au-delà de ce délai, la mission du conciliateur prend fin de plein droit (art. L.611-6 al.2).
La rémunération du conciliateur est en principe déterminée en deux temps par le président du tribunal. Tout d’abord, après avoir recueilli l’accord écrit du débiteur, il fixe les conditions de sa rémunération lors de sa désignation, « en fonction des diligences strictement nécessaires à l’accomplissement de sa mission ». Ces conditions de rémunération comprennent les critères sur la base desquels elle sera arrêtée son montant maximal et le montant d’éventuelles provisions (l’art. R. 611-47 C.Com). Le montant maximal peut toujours être modifié au cours de la mission, à la demande du conciliateur, mais toujours sur décision du président du tribunal et avec l’accord du débiteur (Art. R. 611-49 C.Com). Puis le montant proprement de cette rémunération est arrêté par ordonnance à l’issue de la mission (Art. L. 611-14 C.Com).
2. Les missions du conciliateur
Malgré la nomination du conciliateur, le débiteur conserve l’entier pouvoir sur son entreprise. Il n’y a aucune forme de dessaisissement.
En vertu de l’art. L. 611-7 C.Com, le conciliateur a pour mission fondamentale « de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers, ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord a/niable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise » mais aussi « de présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi ».
Ainsi, la première mission du conciliateur est la négociation. Cette mission est essentielle en ce que le conciliateur va pouvoir obtenir des délais de paiements, des rééchelonnements de dettes ou toutes autres mesures permettant un sauvetage rapide de l’entreprise. Dans le cadre de ces négociations, des propositions sur le fonctionnement de l’entreprise peuvent également être soumises au conciliateur (transformation d’activité, faire entrer de nouveaux actionnaires, restructuration sociale …).
Néanmoins, en vertu de l’art. L. 611-15 C.Com, le conciliateur est tenu à la confidentialité, sauf si l’information relève d’un débat d’intérêt général, comme d’ailleurs toute personne qui est appelée à la procédure ou qui, par ses fonctions, en a connaissance. La jurisprudence a également étendue cette obligation de confidentialité aux journalistes (Com, 15 décembre 2015 – pourvoi n° 14-11.500), le but étant de favoriser les chances de trouver un accord entre les parties. En cas de violation de l’obligation de confidentialité, la responsabilité civile de l’auteur de la divulgation peut être engagée et le retrait de l’information peut être ordonné. (Com, 13 juin 2019 – n°18-10.688 et Com, 13 février 2019, n°17-18.049)
En vertu de l’art. L. 611-7, al. 2 C.Com, le conciliateur peut « obtenir du débiteur tout renseignement utile », ce qui interdit ce dernier de lui opposer un quelconque secret des affaires. Mais le conciliateur ne dispose d’aucun pouvoir propre vis-à-vis des tiers, tels que les administrations (Administration fiscale : Instr. 31 juillet 2006: BOI 13 K-6-06), qui peuvent et doivent même ainsi refuser de lui communiquer toute information.
L’accord de conciliation
1. La conclusion ou non de l’accord amiable
La raison d’être de la procédure de conciliation est bien évidemment la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers qui consentent un certain nombre de sacrifices. Parce qu’il s’agit d’un contrat, chaque créancier est donc juridiquement libre de ne pas participer à un tel accord, voire même de s’engager pour partie seulement de ses créances. En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, la procédure de conciliation prend fin (art. L. 611-7 C.com).
Les chances de réussite d’un tel accord exigent cependant le plus souvent la participation des créanciers les plus importants (Trésor Public, Urssaf, Banques…) et la mise en œuvre coordonnée de plusieurs mesures (délais de paiement ou remises de dettes consenties par les créanciers, réorganisation de l’entreprise…). L’importance de ces sacrifices des créanciers peut être tempérée par l’insertion d’une clause de retour à meilleure fortune qui, en cas de remise de dette, oblige le débiteur à rembourser la dette objet de cette remise si sa situation financière venait à s’améliorer.
2. L’homologation ou la simple constatation judiciaire de l’accord
Le contenu de l’accord est constaté dans un écrit signé par des parties pouvant être constaté ou homologué judiciairement.
Afin de respecter la confidentialité totale de l’accord, celui-ci peut être constaté judiciairement étant donné qu’il ne sera pas soumis à publication et n’est pas susceptible de recours (art.L611-8 I). Le constat résulte d’une décision du président du tribunal qui sera rendu sur une requête conjointe des parties. Le débiteur devra attester qu’il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l’accord, ou que l’accord y met fin. L’accord est alors déposé au greffe et des copies peuvent être délivrées aux parties, ces copies valeur titre exécutoire. Cette constatation judiciaire permet de donner force exécutoire à l’accord et de mettre fin à la procédure de conciliation.
Il est aussi possible que le débiteur soumette l’accord à un contrôle renforcé du tribunal en demandant l’homologation (art. L 611-8 II, C.Com). Cette demande, facultative, présente l’avantage d’être très attractif pour les créanciers ayant accepté d’y participer, étant donné que l’accord sera opposable à tous. Si le juge homologue l’accord, le jugement sera déposé au greffe du tribunal et sera soumis à publicité. La décision judiciaire d’homologation est susceptible d’opposition par un tiers dans un délai de 10 jours suivants sa publicité. Au-delà de ce délai, le jugement aura une autorité de force jugée.
L’accord mettant fin à la procédure de conciliation, qu’il soit homologué ou simplement constaté, profite à l’ensemble des coobligés, des personnes ayant consenti une sûreté personnelle et de celles qui ont affecté ou cédé un bien en garantie (art. L. 611-10-2, C.Com).
3. La fin de l’accord de conciliation
La fin de l’accord de conciliation peut résulter :
Du droit commun des contrats :
- En cas d’exécution des engagements par les parties.
- En cas d’inexécution des engagements par l’une des parties, le juge pourra prononcer la résolution de l’accord constaté OU homologué selon l’article L611-10-3 du Code de Commerce. La résolution emporte anéantissement rétroactif de l’accord. Cela entraîne donc la déchéance des délais de paiement accordés dans cet accord et le retour aux conditions d’exigibilité initiales des créances qui sont l’objet de l’accord.
- D’une procédure judiciaire : en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, l’accord constaté OU homologué prend fin de plein droit (Article L.611-12 C.com). Dans ce cas, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues.