PÔLE RESTRUCTURING – Procédure collective : La notion de centre des intérêts principaux

par | Juil 1, 2020 | Frédérick JUNGUENET, Juridique et Doctrinale

Pôle Restructuring – Procédure collective : La notion de centres d’intérêts principaux

La notion de centre des intérêts principaux est importante car celle-ci permet de déterminer quelle juridiction est territorialement compétente notamment lorsque le lieu où est établi siège social d’une entreprise et le lieu où elle gère ses principales activités diffères. C’est pourquoi il nous semble intéressant de vous présenter la fiche pratique suivante :

La compétence territoriale permet de déterminer quel tribunal est territorialement compétent.

Conformément aux dispositions de l’art. R600-1 du Code de Commerce, le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur personne morale a son siège ou, le débiteur personne physique, a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité.

À défaut de siège social sur le territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France.

Le centre des intérêts principaux du débiteur

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1 du règlement européen n°1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, la notion de centre des intérêts principaux correspond « au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par un tiers ».

Cet article distingue le cas des personnes morales et des personnes physiques.

  • Le centre des intérêts principaux pour les sociétés et les personnes morales est présumé être le siège statutaire de la société. Néanmoins, cette présomption simple peut être écartée au profit du lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts ( Com., 27 juin 2006, n°03-19.863, n°923 P + B + R + I, Procureur général près la cour d’appel de Versailles c/ Klempla et a. ; T. com. Paris, ch. A, 15 janvier 2007, n° 2006058654, Sté Elliott international CP et a. ; c/ Sté Eurotunnelplus Ltd, n°2006058612, Franklin MutualAdvisers LLC c/ Sté Eurotunnel Trustees Ltd, n°2006058718, Sté Elliot international LP et a. c/ Sté Eurotunnel PLC : V. aussi T. com. Paris, 1ère ch. A, 15 janvier 2007, n°2006059718, Elliot international et a. c/ Sté Eurotunnel PLC ; n°2006058654, Sté Elliott international LP et a. c/ Sté Eurotunnel plus Ltd ; n°2006058612, Franklin MutualAdvisers LLC c/ Sté Eurotunnel Trustees Ltd).
  • Pour les personnes physiques exerçant une profession libérale ou toute autre activité indépendante, le centre des intérêts principaux sera réputé être le lieu de l’activité principal de l’intéressé.

En réalité, de nombreux faisceaux d’indices tels que le lieu où se situe la direction et l’administration de l’entreprise permettent de déterminer où se situe réellement le centre des intérêts principaux du débiteur.

L’extension des compétences des tribunaux nationaux

La notion de centre des intérêts principaux est source d’interprétation large ; ce qui permet à un Etat d’étendre considérablement sa compétence territoriale à l’égard des autres états. En effet,

  • lorsque le débiteur déplace le centre de ses intérêts principaux sur le territoire d’un autre Etat membre après la demande d’ouverture d’insolvabilité, la compétence de la juridiction saisie est maintenu, même en cas de déplacement du centre des intérêts principaux du débiteur (CJCE, 17 janvier 2006, aff. C-1/104, Staubitz-Schneiber).
  • la cour de cassation semble facilement admettre la compétence du juge français à l’égard du débiteur étranger dès lors que celui-ci a des « intérêts » en France (com, 26 octobre 1999). La question de la compétence internationale du juge français est importante car en réalité, de nombreuses entreprises établissent leur siège social en dehors de la France alors que leur principale activité se trouve sur le territoire français afin d’obtenir des avantages fiscaux. Cela permet donc au juge français de contourner ses pratiques fiscales et d’être malgré tout territorialement compétent.
  • lorsque le centre des intérêts principaux d’un débiteur est situé sur le territoire d’un Etat membre, les autres Etats membres ne sont pas compétents pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard du débiteur sauf si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet Etat Membre
  • « une juridiction d’un Etat membre qui a ouvert une procédure principale d’insolvabilité à l’encontre d’une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet Etat, ne peut étendre, en application d’une règle de son droit national, cette procédure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre Etat membre, qu’à la condition qu’il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier Etat membre » (CJUE, Rastelli c/ Hidoux ,15 décembre 2011).

Afin de limiter les abus et les extensions de compétence des tribunaux nationaux, la CJUE a été forcée d’intervenir.

 

C’est dans ces conditions que la CJUE, dans le célèbre arrêt Interedil du 20 octobre 2011, a :

  • Posé une présomption simple de correspondance en affirmant que le centre des intérêts principaux d’une personne morale ne peut être situé hors de l’Etat du siège statutaire que lorsque du point de vue des tiers, le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire.
  • Décidé que le transfert du siège statutaire fait présumer le changement de compétence juridictionnelle. La détermination du centre des intérêts principaux doit se faire à la date de l’introduction de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité.
  • Néanmoins, afin de faire face aux nombreux montages fiscaux et aux sièges sociaux fictifs, de nombreuses juridictions nationales, notamment françaises et italiennes sont allées à l’encontre de la présomption de correspondance entre le centre des intérêts et le siège social de la société, posée par l’arrêt Interedil .

En effet, la cour de cassation italienne dans un arrêt du 23 mars 2017 et la cour de cassation française dans l’arrêt Cœur Défense ont décidés de se fonder sur un faisceau d’indice concordant concernant la localisation des différents actes de gestion pour déterminer où se trouvait le centre des intérêts principaux d’une société afin de savoir quelle juridiction était territorialement compétente.

 

En guise de conclusion

Face à la multiplication des jurisprudences nationales renversant cette présomption, le règlement européen n°848/2015 entré en vigueur le 23 juin 2017 a limité l’étendue de cette présomption. Désormais, cette présomption ne s’applique que si le siège social statutaire d’une société n’a pas été transféré vers un autre Etat Membre « au cours des trois mois précédant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ».

 Dans la pratique, les juridictions nationales continuent de déterminer la compétence territoriale d’un Etat Membre en fonction d’où se situe le centre de ses intérêts principaux, faisant ainsi échec à la présomption posée par l’arrêt Interedil.

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